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Noces sous l' Erciyès .
Le décor de
scène est déjà illuminé lorsque s’ouvre la couette !
Les parfums sont retombés, les premiers vendeurs ouvrent là-bas leurs
échoppes
sur l’espoir d’un grand week-end.
Au programme de la matinée Urgup, son marché du samedi…
La route directe serpente entre la terre déformée, les bus y déversent
déjà leurs cargaisons
de peaux pas encore bronzées, le terre plein panorama légendaire rebaptisé
view-point
est engorgé de nationalités tirées tôt de leur dodo.
Dépose photo ça repart, la journée d’aventure sera longue !
  
On s’attendait à un Urgup saturé de circulation, la vie est encore
somnolente, le marché
a toujours cette atmosphère particulière, régionale peut- être, les gros
camions venant
des régions maraîchères sont étals de vente, leurs chargements forment des
monticules
de légumes : concombres, tomates, aubergines…
Les chauffeurs sont producteurs, vendeurs, bonimenteurs dans un cinéma en
son stéréo !
Un saut au
Turism’Info…rechercher l’adresse du quartier des garages, j’ai une
consommation
de liquide de refroidissement anormale, on nous envoie à la gare
routière ! garaj-réparation yok ! Adresse de la coopérative vinicole, ma
co-pilote à beaucoup de mal à s’approvisionner en sarap dans ce pays
musulman, on nous envoie encore à perpette !
Bravo la compétence !
Il est vrai que les Routards dont Urgup est le check-point n’ont guère ces
problèmes !
Inutile de chercher un BTS à Urgup…mais qui sait…à cinq petits kilomètres
Mustaphapasa…
la surprise du jour. Merveilleux petit village comme on les aime, assoupi
autour d’une place pavée. Des anciens qui tentent de prendre leur revanche
à une partie de dominos…
un gros saule et son ombre…pause midi ! Les petits ânes passent devant le
salon,
chargés de bois secs, des vaches meuglent dans une étable du village,
un chien agressif aboie là-bas…
Sur la place,
la curieuse église St-Constantin à moitié enterrée, une façade
remarquablement décorée de fresques vinicoles antiques…plus loin dans la
campagne, en balade pédestre,
de nombreuses églises rupestres…encore ignorées des tours-opérators !
Maintenant
nous quittons les chemins de circuits traditionnels, cap à l’est. La
« grande route » vers Kayseri a une génération de retard et un plaisir de
plus. Ondoyante entre des vergers verdoyants et des traversées de hameaux
non identifiés…Il y a deux routes possibles,
« tu l’as vue toi celle de gauche ? »…pendant 40km nous ne savons pas où
nous allons aboutir !
Un village plat au sommet d’une côte, une place à l’allure de BTS de
fortune, Basdère…
Une foule de
femmes voilées concentrée autour d’une maison, que se passe- t-il,
fète ou enterrement ? stop…Un gamin est déjà accroché à ma fenêtre,
je lui passe notre dico-de-poche côté turc, il comprend vite et trouve :
« dügün » …une noce, allez ,on y va ! Un appentis à côté de la maison, un
cordon de voiles en barre l’entrée.
Je me faufile au travers des piou- piou m’imaginant trouver le couple du
jour. Yok !
Derrière les anciennes, les jeunes qui chantent et dansent ensemble…photo,
les voiles se relèvent dans un réflexe ancestral, tant pis c’est en
boîte !
Une jeune femme entraîne Suzy dans la danse…
et tout le monde se retrouve dansant dans cinq mètres carrés, délice !  
Le groupe s’arrête subitement, la musique tombe, les voiles se relèvent…un
homme,
tiens qu’est ce qu’il fait là ? Un second, plus jeune, baragouine quelques
mots d’allemand,
cela suffit pour comprendre que l’ancien c’est Mustapha le père de la
mariée.
Mais elle est où la mariée ?…
En visite dans le village, c’est la coutume, et puis les mariés vont
s’isoler et après
les parents iront…vérifier si tout s’est bien passé !
Après la danse, le réconfort, on nous entraîne de l’autre côté de la
maison, là on y mange,
des groupes en rond autour du plat commun, la cuisinière et son chaudron
qui prépare
des beignets de feuilles de vignes farcies…Comment résister ?
Une caravane
de voitures de mâles endimanchés et cravatés déboule…ils ont perdu les
mariés ! Suzy sympathise avec Hatice, qui l’avait entraînée dans la danse,
photo re-photo…
On veut nous retenir pour la soirée… que c’est dur de dire non ! Mais l’on
veut arriver à Kayseri avant ce soir pour voir le bazar, demain dimanche
il est fermé.
Bises, accolades… tristes de reprendre la route…et pourtant elle devient
superbe !
Un détour et
la cime enneigée de l’Erciyès Dagï claque dans le ciel pur comme un
étendard. Image de calendrier suisse, à en arrêter un Fleurette, et puis
ces champs verts, ces champs fleuris…toute la Turquie que nous ont jamais
offert les voyages d’été est là !
 
Le Mont Argée, c’est lui le volcan aux neiges éternelles qui est
responsable
des extraordinaires paysages de Cappadoce…il est là au sommet de la route,
silhouette irréelle comme un pastel, collé dans l’horizon !
On roule au pas pour déguster l’instant…
en bas dans la vallée l’immense lac salé étincelle comme un fer chauffé à
blanc.
On a perdu…on
pensait être sur la plus petite des deux routes, on était sur la
principale,
celle qui passe par le Topuz Dagï…Et maintenant c’est la longue plaine
jusqu'à Kayseri.
A côté de la quatre voies, la vieille route, on a du mal à se souvenir
comment l’on pouvait
faire de telles distances sur des routes à une seule voie…
comment on faisait lorsqu’on rencontrait un camion ?…eh bien, on faisait !
Kayseri est devenue une immense ville, étalée sur des dizaines de
kilomètres avec toujours
la silhouette prégnante de l’Herciyès, comme à Grenoble à chaque bout de
rue.
Il nous reste
deux heures avant la nuit, mais priorité au BTS…qu’est- ce qu’on fait, on
essaie
de monter sur les pentes du Mont, il doit y avoir des villages de randos…ou
l’on reste en ville mais il faut trouver un espace pas trop « dégueux »…en
dernier recours on cherche le camping. Tiens « stadium »…on va voir, et on
perd la signalisation…stop, deux voitures de polis ici,
on leur demande .. « stadium…camping ? » Ils ne parlent que le turc mais
comprennent,
se concertent et le big chef nous fait signe de les suivre.
Allez donc suivre une voiture de polis dans le gymkhana d’un samedi soir
kayserien !…
Pour un peu on avait droit à la sirène pour ouvrir la voie.
Un peu après le stade, « notre » voiture d’escorte oblique, franchit un
trottoir vers un grand parking vide entre deux grands immeubles publics,
une pancarte vandalisée sur laquelle
on reconnaît quant même l’image d’une caravane « park yeri » ! Merci la
polis !
Retour en
ville, objectif bazar…on y cherche notre traditionnel autocollant du pays
pour orner
le c.. du Fleurette, ça y est, et il est en relief le TR, à rendre
jaloux les Grecs !
« Bonjour,
vous êtes Français…. »…on est rarement seuls longtemps !
« Je suis étudiant ici, j‘aime parler Français, mais pas souvent
l’occasion, des français à Kayseri il n’y en a pas souvent, vous êtes
peut- être les seuls aujourd’hui…si vous voulez je peux
vous accompagner… » Bien sûr Ahmet ! …Bazar, petites ruelles qui
commencent à se vider, odeurs d’épices chauffées par des ampoules
vieillottes, le bazar est un des plus anciens
de Turquie, tellement loin d’Istambul qu’il en est resté à l’abri des
tentations touristiques.
Daky est vedette, un grand gaillard de turc, vendeur de chemise de son
état, prend peur
de la bête noire et s’enfuit en courant avec une chemise sur cintre à bout
de bras,
sous les rires de toute la rue…Plus loin un autre, style body-boy, se
cache derrière son copain pour se protéger ! Demain nous serons au pays
des terribles chiens bergers d’Anatolie !
Ahmet nous entraîne au caravansérail, c’est le moment des rangements avant
la fermeture.
Les chameaux
ont disparu mais les odeurs sont encore là.
Ballots de cotons, gros sacs de laine brute, monticules de tapis…
on touche, on palpe, c’est du vrai !
Tout près la mosquée avec l’affichage sur le tableau noir des décès du
jour,
et les tables en marbre sur lesquelles sont posés les cercueils pendant la
prière.
A côté la maison d’Atatürk, ici il a passé la nuit du 23 décembre 1919,
là, sa chambre,
ici il a pris un café…aujourd’hui la maison est un emblème !
« Si vous
voulez…mon papa a un magasin tout près, venez prendre un thé ! »
Ca ne se refuse pas, même si ça sent l’engrenage !…
« Kubra Kilim » ok, on a compris ! papa n’est pas là, tant pis çay quand
même…
« Mon papa m’a dit d’être étudiant mais en même temps d’apprendre le
métier des tapis.
Je fais économie pour travailler dans une entreprise, mais si ça ne va pas
je peux prendre
le magasin, j’ai tout appris avec mon papa ! » La différence entre tapis
et kilim on commence
à comprendre : le tapis il est tissé en vertical, le kilim il est
travaillé à plat, on voit les trous
à travers !…Papa et Ahmet sont grossistes, l’échoppe est toute petite,
ils font le relais entre les ouvrières des environs et les magasins à
touristes de la côte…
Non Ahmet, on
n’a pas l’intention d’acheter, nous ne sommes pas très tapis, mais ces
deux petits kilims nous tentent.. combien tu les fais ? Et en argent
français c’est encore mieux ,
pour un étudiant en économie qui a du mal à suivre la tourmente monétaire
que vit la Turquie !
La nuit est
tombée, les rues grouillent, un feu d’artifice claque dans le ciel au
-dessus du stade, Daky se terre sous la table…le BTS est désert,
on est loin de la foule et des bruits, à cinq cent mètre
les
poissons guérisseurs !
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